2021 - Ursula Caruel
PROPAGATION
Ursula Caruel
Restitution publique du 1er au 30 juin à la Maison de la tour
Le processus de création d’Ursula Caruel passe par l'observation du végétal environnant les lieux où ses installations sont présentées. Elle défend un art local et nomade où la question de la mise en vie du dessin est primordiale.
Passionnée de botanique, elle étudie les processus de croissance du vivant pour en dupliquer la nature créative. Le dessin devient bio-mimétique et les espaces d'exposition des moments d'équilibre entre le geste et le silence.
L'exposition performatrice PROPAGATION entraîne le visiteur à re-voir la nature qui l'entoure avec les yeux de l'artiste. Des focus sur des paysages en noir viennent s'installer dans les salles de la Maison de la Tour à Valaurie du 1er mai au 30 juin 2021.
A travers une installation de dessins, un environnement sonore et une vidéo, Ursula Caruel fait entrer le paysage de Valaurie dans le dessin contemporain.
PROPAGATION nous parle du minuscule et des grands mystères de la vie qui font qu'une seule graine peut contenir mille forêts. Les processus naturels sont alors pris à partie pour devenir mécanismes créatifs : accroissement, semence, germination, répétition du geste.
Celui-ci sort du cadre classique de l'accrochage et se propage dans l'espace jusqu'à devenir un monde visuel et sonore. Elle multiplie les regards et les interprétations et nous emmène dans une balade végétal poétique.
Sa résidence est associée à des ateliers scolaires (Ecole de Valrousse à Valaurie/Roussas, collège Jaume à Pierrelatte https://college-jaume-pierrelatte.web.ac-grenoble.fr/)
Ursula Caruel a été interviewée par Anne-Marie Liautard pour parler de sa résidence au Cube et de l'exposition qui en résulte, à la Maison de la tour. Ci-après son texte :
Ursula Caruel
Propagation
L’histoire d’Ursula avec le végétal s’enracine dans l’enfance. Issue d’une famille de paysans, elle est attentive depuis toujours à ce qui pousse, fascinée par les végétaux, leur naissance, leur croissance, leur façon de s’inscrire dans notre espace, de s’entrelacer à nos vies.
Venue à Valaurie bien des fois et à toutes les saisons pour préparer sa résidence, elle a été frappée par la présence du végétal dans le village. A Valaurie, Les plantes sont aux fenêtres, sur le pas des portes, dans les jardins et dans les rues, incrustées dans les murs, entre les pavés, vigoureuses et à moitié contenues. La colline commence dès les dernières maisons. Cela fait à ce village très minéral comme un vêtement frémissant, changeant avec les saisons, qui l’ensauvage et pourtant l’adoucit.
L’installation qu’Ursula nous donne à voir et qui est une première dans son travail, rend compte de cette vision. Elle n’aurait pu se construire ailleurs qu’à Valaurie et à la Maison de la tour, espace compliqué avec ses escaliers, ses salles, ses recoins et son puits de lumière, ce lieu où une plante peut s’enraciner dans l’ombre puis croître vers le jour et le ciel.
Bien souvent la pratique artistique relève de l’expression d’un souvenir récurrent, obsessionnel, parfois traumatique que l’artiste conjure au moyen de son art. Ursula cite en référence l’oeuvre de Sophie Calle ou celle de Roman O’Palka, ce peintre qui se photographie chaque matin dans une démarche qui comptabilise le temps vécu jour après jour.
Ainsi chaque année, dans la maison de son arrière grand-mère, un lieu refuge pour elle, Ursula retrouvait la cabane que son grand-oncle avait construite pour les petits-enfants en tressant les branches vivantes d’une vigne vierge. Une cabane…. Un lieu bien à soi, un réduit où l’on se blottit, où les adultes ne peuvent entrer. A l’automne, la cabane semblait s’écrouler : les feuilles tombaient dévoilant un squelette de branches nues, pitoyable.Mais au printemps suivant, les branches se couvraient de bourgeons, puis de larges feuilles où l’enfant pouvait à nouveau se nicher.
Cette cabane, Ursula l’a reconstruite pour nous en doublant les murs épais de la Maison de la tour d’une frissonnante toison de six mille feuilles découpées puis collées une à une.
L’art d’Ursula c’est le dessin, elle en garde les codes : le papier, le blanc, le noir le gris, l’élan du trait qui se retrouve dans la trajectoire des branches. Elle
dessine ainsi sa cabane en trois dimensions pour nous y convier. Elle nous y conduit de saison en saison, depuis la branche nue de l’hiver à la jeune feuille blanche du printemps, puis à la large feuille d’été d’un gris argenté lumineux, jusqu’à la feuille d’automne noire qui bientôt tombera …
Ce cycle, qui est celui de la vie même, se reproduira encore et encore comme court sur le papier le crayon obstiné de l’artiste qui tente de dessiner le vivant.
AM Liautard, Valaurie, le 28 mai 2021